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Il n’y a pas de rapport – Il y a des pièces détachées

S’il n’y a pas de rapport sexuel, alors qu’y a-t-il? – Il y a le singulier, en chacun.

On sait qu’il n’y a pas de parlêtre sans le corps ni sans le langage. Nous savons également que le symbolique n’est plus ce qu’il était et que l’imaginaire ne se limite pas à l’image corporelle du corps prématuré; il y a un au-delà que nous rencontrons dans la clinique, quand quelque chose ne va pas, quand quelque chose de l’image ne fonctionne pas. Donc, notre boussole pour savoir-faire, pas sans savoir-dire, s’oriente peut-être des apports de chaque être parlant dont s’enseignent les analysants et les praticiens de la psychanalyse. Par exemple, ce que chaque pièce détachée enseigne sur le symptôme hors-sens, sur les façons singulières de s’arranger de ce qu’il n’y a pas, constitue des enseignements que chaque Un apporte aujourd’hui à nos recherches cliniques, politiques et épistémiques.

Les psychoses sont une des clés majeures pour renouveler notre champ analytique. Et maintenant que nous allons poursuivre notre recherche sur «Les psychoses ordinaires et les autres, sous transfert» — thème du prochain Congrès de l’AMP — c’est le moment de revenir à la solidité de la clinique structurale pour aborder la catégorie lacanienne des psychoses ordinaires, qui, si elle n’a pas été créée par Lacan, a été extraite de son dernier enseignement par Jacques-Alain Miller.

Qu’est-ce qui ne correspond pas aux catégories classiques? Sur quoi s’appuie chaque un…? Face à ces questions et d’autres qui s’entendent dans nos cabinets, psychanalystes d’aujourd’hui nous nous appuyons sur quelques indices de ce qui change au XXIe siècle. Ainsi sur ce que Jacques-Alain Miller a proposé dans sa Présentation du thème du Xe congrès de l’AMP à Rio de Janeiro en 2016i«Cette métaphore, la substitution du parlêtre lacanien à l’inconscient freudien, fixe une étincelle. Je propose de la prendre comme index de ce qui change dans la psychanalyse au XXIe siècle, quand elle doit prendre en compte un autre ordre symbolique et un autre réel que ceux sur lesquels elle s’était établie.»

Ensuite l’époque nous indique une voie. Une voie qui nous fait ajuster les coordonnées d’une clinique différentielle à ses phénomènes singuliers, l’indéfini, le pas-tout et les inventions. Dans leur «triple externalité» — sociale, corporelle et subjective1 — toutes rendent compte de la transformation de l’inconscient freudien en parlêtre lacanien, de même que les coordonnées de l’inconscient réel et les effets du discours actuel. Actuellement s’il est bien certain que tout le monde délire, les discours établis «ne suffisent plus», la voie des psychoses enseigne ce qu’est un délire privé, inventé; les sujets vont d’une déconnexion à l’autre, ou ils s’identifient intensément, de façon rigide, que ce soit au travail, dans la famille ou corporellement.

Aujourd’hui les liens mutent de façon vertigineuse. Ce constat nous apprend ce qui évolue dans notre pratique, ce qui fait fonction d’agent pour chacun. Nous nous astreignons à une lecture attentive de ce point lorsqu’il s’agit du lien transférentiel avec — un — analyste. Ainsi, avec quelques pièces détachées et sans nous réfugier dans «l’asile de l’ignorance»2 pour ne pas savoir, Jacques-Alain Miller montre par où penser l’état de la recherche concernant une catégorie qui, depuis vingt ans nous convoque à converser dans un après coup — sous transfert — et via un transfert de travail, du fait qu’il y a un large champ de transformations épistémico-cliniques, avec, pour l’heure, plus de questions que de réponses.

(Traduction: Anne-Marie Lemercier. Relecture: Marie-Jo Asnoun)

1 Miller J-A., «Effet retour sur la psychose ordinaire», Retour sur la psychose ordinaire, Quarto N° 94-95, Ecole de la Cause freudienne, Janvier 2009, p. 45.

2 Ibid., p. 45