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La science comme délire ordinaire, selon Werner Herzog

Dans le film Lo and behold (2016), le clinicien extraordinaire qui est W. Herzog, réussit à capturer l’ordinaire du délire que l’on appelle « science ».

L’origine de l’internet est son excuse pour présenter les rêveries de l’empire de la technique, mais aussi bien pour exposer les fentes qui laissent filtrer la viscosité de la jouissance, abîmant l’asepsie phobique du monde connecté.

Dans un entretien publié par la revue Panorama[i], en 1974, Lacan disait que les scientifiques, « ces vieux enfants qui jouent avec des choses inconnues », ce sont des fous, et que la science est une autre position impossible –comme gouverner, éduquer et psychanalyser–, même s’ils ne le savent pas.

En effet, les quasis enfants exposés par les questions de Herzog, montrent leurs jouets préférés avec enthousiasme : une voiture qui se conduit à elle même, un robot qui mets des buts, un autre qui répare des équipements, un tomographe supposé-lecteur-des-pensées, etc. L’internet ne rêve pas d’elle-même, mais ces hommes rêvent leurs rêves en parfaite continuité avec la matérialité des objets qu’ils engendrent. C’est juste là, en cette absence de hiatus, que l’on constate la cicatrice de l’opération forclusive, qui prétend « qu’il n’y a rien d’impossible dans le réel ».

« Ma peur est que par leur faute, le réel, chose monstrueuse qui n’existe pas, finira par prendre le dessus », continue Lacan. L’angoisse, qui est son signe manifeste, pointe le but de son nez dans la confession arrachée par le réalisateur á Elon Musk – inventeur de Pay Pal et Tesla Motors, aujourd’hui consacré à promouvoir une colonie en Mars – : il n’y a que de cauchemars.

Herzog suit la piste et il montre crûment les retours symptomatiques de cette opération: les esclaves des vidéo-jeux, des sujets qui hallucinent avec doleur ‘impact des micro-ondes, la cruauté atroce du dommage anonyme et multiplié á l’infinie, les rejetons pseudo religieux devant la fragilité humaine, trop humaine.

Comme tournant sur soi-même, et contre tout délire de progrès, le documentaire fini avec l’irremplaçable des corps qui chantent autour d’un feu de camp. À fin de comptes, nous sommes toujours devant la conquête du feu.

 

[i] Lacan, J. (1974): « Entretien au magazine Panorama », en Revue La Cause du désir, nº 88, Novembre 2015, Paris, Navarin Editeur.